Depuis près d’une décennie, une bataille se joue dans le milieu des jeux vidéo dématérialisés. Une lutte animée par une question simple mais d’une importance cruciale pour les consommateurs : peut-on revendre un jeu vidéo dématérialisé comme on le ferait avec un jeu physique ? Cette question, l’association française UFC-Que Choisir, a décidé de la porter sur la scène européenne. En effet, après plusieurs années de combat judiciaire, l’organisation a récemment saisi la Commission européenne pour obtenir une décision ferme sur ce sujet. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de définir clairement les droits des consommateurs à l’ère digitale.
Contexte judiciaire : vers des frontières numériques
L’année 2023 a marqué un tournant dans ce débat déjà vieux de plusieurs années. En octobre, la Cour de cassation a rendu un verdict qui n’a pas joué en faveur des consommateurs. Cette décision s’inscrit dans une série de jugements qui ont vu, à plusieurs reprises, l’UFC-Que Choisir contestée dans ses revendications. En effet, l’association espérait voir la législation évoluer pour permettre la revente de jeux vidéo sur des plateformes numériques comme Steam, très connue pour sa vaste bibliothèque de jeux. Cette plateforme, gérée par la société Valve, est souvent au cœur de discussions sur les droits numériques. Malgré le revers, la détermination de l’association reste intacte, avec une volonté affichée de porter l’affaire au niveau européen pour faire valoir ses arguments.
Une croisade contre l’interdiction de revente : l’origine du combat
L’origine de cette croisade remonte à 2015. À cette époque, l’UFC-Que Choisir avait déjà identifié des clauses problématiques dans les conditions d’utilisation de Steam. Ces clauses, considérées comme abusives, étaient en contradiction avec une directive européenne de 2009 qui protège les programmes informatiques. Selon cette directive, les jeux achetés devraient être traités comme des biens matériels, autorisant ainsi leur revente. La bataille engagée par l’association visait à faire appliquer ce principe aux jeux numériques, un défi de taille qui a engendré de nombreuses discussions légales.
Avancées et revers : le chemin semé d’embûches
En 2019, une première victoire a été obtenue par l’UFC-Que Choisir devant le Tribunal de grande instance de Paris. Ce tribunal a reconnu que les jeux achetés sur Steam ne sont pas des abonnements mais bien des achats. Cette décision marquait un tournant et portait l’espoir d’une revente possible des jeux vidéo dématérialisés. Cependant, cette avancée a rapidement été freinée en 2022 par la cour d’appel, qui a annulé la décision précédente en indiquant que le principe de l’épuisement des droits ne s’appliquait pas aux jeux dématérialisés. Cette annulation a été confirmée en 2023 par la Cour de cassation, qui a statué que les jeux vidéo ne peuvent pas être considérés comme des programmes informatiques selon la directive de 2009.
Un recours pour manquement contre la France : l’appel à l’Europe
Face à ces décisions nationales, Marie-Amandine Stévenin, présidente de l’UFC-Que Choisir, n’a pas caché son mécontentement. Elle estime que les juridictions françaises auraient dû saisir la Cour de justice de l’Union européenne pour trancher cette question. Pour tenter de renverser la situation, l’association a donc décidé de saisir la Commission européenne. Cette démarche vise à inciter la Commission à interpeller la CJUE pour que celle-ci statue sur la conformité de la décision française avec le droit communautaire.
Selon Stévenin, une décision européenne est nécessaire pour garantir une égalité de traitement entre les supports physiques et numériques. Le parcours judiciaire de l’UFC-Que Choisir dans cette affaire souligne l’importance d’une clarification des droits des consommateurs à l’ère numérique. Avec la digitalisation croissante des contenus, la question de la revente des jeux vidéo dématérialisés ne concerne pas uniquement les passionnés de jeux, mais touche aussi à des principes économiques et légaux fondamentaux.
Maintenant que la balle est dans le camp de l’Europe, l’espoir est de voir une décision qui permettra de concilier les intérêts des consommateurs avec ceux des éditeurs de jeux. En attendant une réponse de la Commission européenne, le débat sur la revente des jeux numériques reste ouvert et suscite toujours autant de passions.